Les espèces exotiques envahissantes (EEE), ces plantes, ces animaux ou encore, ces microorganismes venus d’ailleurs, représentent souvent un casse-tête pour les propriétaires terriens, les propriétaires riverains et pour les municipalités. Les impacts de ces ennemies tenaces sont parfois importants sur la biodiversité, sur les grandes cultures, sur la valeur immobilière et parfois même sur la santé des individus. Pour quelle raison ces espèces sont telles envahissantes ? D’où viennent telles ? Quels en sont les impacts ? Que doit-on faire ou ne pas faire ? Ce sont des questions qui sont très souvent adressées à notre équipe et nous tenterons, par cet article, de présenter un bref survol des enjeux liés à la présence et la gestion des EEE au Québec.

 

Qu’est-ce qu’une espèce exotique envahissante (EEE) ?

Les EEE sont des espèces introduites sur des zones extérieures à leur aire de répartition naturelle, donc qui ne sont pas natives, qui envahissent une zone en représentant une menace pour l’environnement et la société. Elles évoluent rapidement et mettent en place des populations dominantes, empiétant ainsi de plus en plus sur l’espace des espèces indigènes (donc les espèces natives et présentes naturellement sans intervention humaine). Ces espèces ont été introduites de manière volontaire ou involontaire dans un environnement où elles ne seraient pas naturellement présentes. Plusieurs proviennent de l’époque de la colonisation du Québec et elle ont été introduites pour se nourrir ou par inadvertance, certaines ont été introduites afin de soigner des maux et d’autres ont été introduites plus tardivement par le biais du transport découlant de la mondialisation ou encore par des centres horticoles pour leur beauté, etc.

Il est souvent question des espèces fauniques et floristiques lorsque les espèces exotiques envahissantes sont évoquées et certaines vous sont probablement familières. Dans les deux cas, elles peuvent être aquatiques ou terrestres. Vous avez surement déjà eu vent du roseau commun envahissant le sud du Québec vers le nord et décimant peu à peu certaines espèces des milieux humides telle la quenouille notamment retrouvée dans les fossés de bord de routes. Cette espèce, selon l’institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal, représente l’EEE la plus envahissante du Nord-Est de l’Amérique du Nord. Ou encore, la carpe asiatique qui a fait les manchettes ces dernières années au Québec (Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal, 2011).

Ce ne sont pas toutes les espèces exotiques qui deviennent envahissantes et encore moins nuisibles. Certaines caractéristiques doivent être présentes afin qu’une espèce devienne envahissante. De manière générale, elles doivent se développer rapidement, plus rapidement que les espèces indigènes du milieu où elles se sont implantées. Elles détiennent donc souvent la capacité de prendre plus d’espace afin de capter plus facilement les ressources du sol, de se propager plus rapidement, elles peuvent donc entrer très facilement en compétition avec les espèces indigènes. Ce sont généralement également des espèces qui fleurissent plus et produisent plus de graines, ou encore (ou aussi), qui se propagent, non seulement par la décimation de leurs graines, mais également par la fraction de leurs rhizomes (impliquant qu’une section de sa racine (rhizome) peut directement produire un nouveau plant, phénomène appelé « reproduction végétative »).

Les invasions d’EEE se produisent pour différentes raisons. Premièrement, elles réussissent très souvent à envahir des zones qui ont été perturbées, où la végétation indigène est déjà affaiblie. Les champs cultivés par exemple, les fossés de routes, les friches, les zones urbaines, etc. Une raison raison supplémentaire expliquant leur invasion souvent fulgurante est que les EEE se développent bien souvent sans leurs ravageurs, sans leurs ennemis naturels. À l’inverse des espèces indigènes, elles peuvent se permettre de concentrer toute leur énergie à devenir plus fortes.

 

Les impacts des EEE

Les invasions de ces ennemis tranquilles ne sont pas sans conséquence. Quand on pense aux impacts des EEE, on pense très souvent aux impacts sur la biodiversité, particulièrement sur les autres espèces floristiques. L’exemple de la supplantation en quelques décennies du roseau commun sur la quenouille en est sans doute un excellent exemple. Ou encore, de la renouée du Japon, un autre exemple frappant faisant partie du palmarès des 100 pires espèces envahissantes sur terre selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), Cette dernière, par le biais de différentes capacités, tel d’un système racinaire très imposants et s’étalant sur des distances et de profondeurs importantes lui permettant de percer l’asphalte, la production et la libération d’une toxine réduisant l’établissement et le maintien des autres végétaux, la reproduction végétative, sa croissance rapide, sa hauteur et sa densité coupant lumière aux végétaux plus bas, etc., engendre des impacts majeurs et néfastes, réduisant la biodiversité et appauvrissant le sol. De plus, les EEE modifient bien souvent l’environnement qu’ils envahissent (diminue l’oxygène dans l’eau, la composition du physico-chimique du sol, etc.) dans lequel elles s’installent et modifient du même coup l’habitat de certaines espèces fauniques. Cependant, il est possible que certaines espèces bénéficient parfois également de ce changement d’habitat qui rend disponibles de nouvelles ressources.

Certaines EEE peuvent également présenter un danger pour la santé humaine, la berce du Caucase représente certainement l’espèce la plus connue en ce sens. Lorsque la peau est en contact avec la sève de cette plante, des agents toxiques photosensibilisants (des furanocoumarines) activés par le soleil engendre des douleurs et des lésions similaires à des brûlures. Une exposition à cette plante peut mener à l’apparition de cloques et d’ampoules, ainsi que des brûlures au premier ou deuxième degré. Toutes les parties du corps peuvent être atteintes et il est primordial de consulter un médecin en cas de contact avec cette plante. Pour plus d’information consulter le site du gouvernement du Québec. Le pannais sauvage, la berce laineuse ainsi que la berce commune peuvent également engendrer des effets similaires au contact de la sève, puis par l’exposition de la peau aux rayons ultraviolets du soleil, mais de manière moins sévère que dans le cas de la berce du Caucase.

Les frênes ont longtemps dominé les milieux urbains et l’impact de l’agrile du frêne est majeur dans le paysage urbain du Québec. Le remplacement des frênes perdus représente un exemple des coûts de remplacement importants pour les acteurs locaux, découlant de l’impact direct d’une EEE. Celles-ci peuvent également entraîner des bris d’infrastructures, engendrant des coûts pour les organisations publiques et privées.

Autre exemple d’impact non-négligeable des EEE représente la perte de valeur immobilière de propriétés à la suite de l’invasion d’EEE, telle par l’implantation de l’égopode podagraire, un couvre-sol persistant et pratiquement impossible à éradiquer lorsqu’il est bien implanté. Ou encore, la perte de valeur immobilière d’une propriété riveraine due à l’invasion d’un lac par le myriophylle à épis ou par la châtaigne d’eau réduisant les possibilités d’usages de l’eau comme les activités nautiques ou la pêche.

Finalement, au Québec, les rendements agricoles sont parfois grandement affectés par la présence d’une ou plusieurs EEE. Notons, à titre d’exemple, que des pertes de rendements de grandes cultures peuvent s’élever jusqu’à 100 % lors de la présence au champ du chénopode blanc pour la culture du maïs. Le chiendent commun, un second exemple flagrant, peut entre autres affecter les rendements d’une culture de pommes de terre de l’ordre de 30 % à 70 % (Lavoie, 2019).

 

Berce du Caucase

Crédit photo : Melcc, 2020

Myriophylle à épis

Crédit photo : SAMBBA

Panais sauvage

Crédit photo: Geneviève Mongeau, 2018

Qu’elles sont les EEE le plus à surveiller au Québec

Le constat de la hausse de températures et des conditions climatiques plus clémentes en période hivernale a pour conséquence de graduellement permettre à certaines espèces d’évoluer vers les régions plus nordiques et d’augmenter les pressions sur les écosystèmes. Les projets d’amélioration de la diversité biologique des milieux naturels et urbains permettent d’augmenter leur résilience à la propagation de ces nouvelles espèces exotiques envahissantes.

Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) a déployé, il y a quelques années, un outil de détection et de suivi des espèces exotiques envahissantes appelé SENTINELLE. Cette plateforme permet aux biologistes du ministère de suivre la progression de certaines EEE en récoltant les signalements des citoyens et des professionnels, ce qui permet à tous de contribuer à la protection de la biodiversité du Québec.

Certaines espèces ont indéniablement des impacts à ne pas négliger. La liste suivante présente les espèces à surveiller et leur(s) type(s) d’impact(s) :

  • Amarante à racine rouge (agriculture);
  • Berce du Caucase (santé);
  • Berce commune (santé);
  • Berce laineuse (santé);
  • Chardon des champs (agriculture);
  • Châtaigne d’eau (Activités nautiques, récréotouristiques et biodiversité);
  • Chénopode blanc (agriculture);
  • Chiendent commun (agriculture);
  • Echinochloa pied-de-coq (agriculture);
  • Égopode podagraire (biodiversité et valeur immobilière);
  • Folle avoine (agriculture);
  • Impatiente glanduleuse (Érosion des berges);
  • Laiteron des champs (agriculture);
  • Myriophylle à épis (biodiversité, activité nautiques et récréotouristiques, valeur immobilière);
  • Nerprun cathartique (biodiversité);
  • Panais sauvage (santé);
  • Renouée du Japon (biodiversité et érosion des berges);
  • Roseau commun exotique (biodiversité et infrastructures).

La gestion des EEE

La lutte contre les espèces exotiques envahissantes implique différents acteurs et sa logistique est donc spécifique à chaque région et à chaque espèce. La distribution des EEE et des impacts en découlant n’est pas la même sur les différents régions du Québec ce qui implique que les acteurs locaux doivent être au fait des spécificités régionales, du comportement de végétaux et leur interaction avec le milieu d’implantation. Essor Environnement accompagne les organisations publiques et privées dans la lutte aux EEE.

Les services offerts portent sur différents volets :

La caractérisation, l’inventaire et le suivi des EEE en milieu naturel;
  • La caractérisation, l’inventaire et le suivi des EEE;
  • La production cartographique;
  • Le développement d’un plan d’intervention et de priorisation échelonné dans le temps en fonction des espèces retrouvées et des budgets;
  • L’émission de recommandation sur les mesures de lutte et de contrôle à employer;
  • La collaboration et le transfert de connaissances avec les organisations locales et ministérielles impliquées sur le territoire.

 

Le contrôle des espèces exotiques envahissantes sera toujours nécessaire et de plus en plus sollicité, mais ensemble il est possible de faire une différence et de participer à la protection de la nature et de la qualité de vie.

 

Références:

Busti, David et al. (2011). De l’origine du succès de la renouée du japon [Univsersité de Lyon]. Récupéré de http://biologie.ens-lyon.fr/ressources/Biodiversite/Documents/la-plante-du-mois/De-l-origine-du-succes-de-la-renouee-du-japon

Institut de recherche en biologie végétale. (2011). Prévenir et contrôler l’envahissement des autoroutes par le roseau commun (Phragmites australis) – Volet intervention (R538.3). Récupéré de https://www.phragmites.crad.ulaval.ca/files/phragmites/prevenir-controler-intervention2.pdf?fbclid=IwAR2OZEyCCbHz-Quj9mqdejQAb6dih_jcXWx1NFQKgqj-Z9CQJKTIs0zOPak

Lavoie, C. (2019). 50 plantes envahissantes : Protéger la nature et l’agriculture. Les publication du Québec, 415 p.